330 GT Registry

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FACE A FACE
LAMBORGHINI FLYING STAR II TOURING 1966
FERRARI 330 GT VIGNALE 1968


Testaments de style
Italiennes, motorisées par des V12 elles n'on que deux années de différence, et pourtant elles n'avaient jamais été mises face a face.
En exclusivité pour Rétroviseur, voici l'ultime création du carrossier Touring et la dernière Ferrari signée Vignale, Signe particulier :
elles sont "habillées" en break de chasse...

Break de chasse : l’appellation a de quoi surprendre car elle est encore “récente” dans le monde de l’automobile (Voir encadré page 74), mais ces deux prototypes italiens répondent parfaitement à la définition du coupé deux portes transformé en break, avec hayon, pour les hypothétiques besoins d’un “gentlemanfarmer” pressé. Depuis leur première présentation publique au Salon de Turin, en 1966 pour la Lamborghini Touring, et 1968 pour la Ferrari Vignale, le leitmotiv des curieux est cependant toujours le même: «Ça une Lamborghini ?; ça une Ferrari ?»...

Une histoire de princes charmants

Le prototype de Salon est à l’automobile ce que le carrosse doré est à Cendrillon: quand la fête est finie, il redevient anonyme, rangé au rayon des souvenirs anciens d’un carrossier pressé de le remplacer par un autre, plus moderne, plus audacieux, mais tout aussi éphémère.
Le prince charmant existe pourtant, soit dans la volonté d’un constructeur qui fera de ce prototype une voiture de série, soit dans le regard séduit d’un riche collectionneur qui l’ajoutera à sa collection.

Dans l’esprit de Touring, la Lamborghini Flying Star II devait être celle par qui le miracle allait se produire : le carrossier de Milan étant au bord du gouffre en ce mois de novembre 1966, il rêvait devoir ce break de chasse figurer dans la gamme Lamborghini, fort de sa mécanique empruntée au coupé 400 GT 2+2 alors en production, autrement dit le V12, 4l de 320 ch, en position avant, mais avec un châssis (n° 0904) raccourci de 10cm par rapport à celui de la 400 GT.

Malheureusement, le miracle n’aura pas lieu, et c’est un collectionneur, en la personne de Jacques Quoirez, le frère de l’écrivain Françoise Sagan, qui va acheter cette unique Flying Star II après le Salon, non pas pour la mettre dans un musée, mais plutôt pour s’en servir. Une bonne idée, certes, même s'il repeindre en jaune. Nul ne sait exactement combien de propriétaires elle eut ensuite, mais elle retourna en Italie pour que soient modifiés le tableau de bord et la console centrale, puis frit légèrement accidentée dans la circulation parisienne, et sa grille d’aération dut être agrandie par le spécialiste Lamborghini Edmond Ciclet, afin d’optimiser le refroidissement moteur. Mise en vente aux enchères en 1986, exposée à Rétromobile 1987, elle disparut de l’Hexagone jusqu’à ce qu’un nouveau prince charmant la ramène en France.

Dans l’histoire toute aussi mouvementée de la Ferrari Vignale, les princes charmants ont également leur place, mais là, l’idée de départ est de faire une voiture unique, sans aucune arrière-pensée de production future, en réponse à l’envie d’un Américain, Bob Peak, de posséder autre chose qu’un “shooting brake” Aston Martin DB 5, que l’on disait alors le break de chasse le plus rapide du monde.

Mais quelles sont les voitures parmi les plus rapides en 1967? : les Ferrari. Notre homme en parle donc à Luigi Chinetti, importateur Ferrari aux USA, qui répercute la demande à Modène, et la réponse ne se fait pas attendre : l’usine refuse de fabriquer un break de chasse à mécanique Ferrari.

Qu’à cela ne tienne, tandis que le dessin se finalise dans la tête de Luigi Chinetti Junior, la même demande est transmise à Alfredo Vignale dont la carrosserie est alors en grande difficulté. Marché conclu: la base sera une 330 GT (châssis n° 07963) à condition qu’elle soit exposée au Salon de Turin 1968, sur le stand Vignale, avant qu’elle ne parte pour les USA.

Là-bas, le break de chasse va passer de mains en mains, transporter des chiens, changer de couleur, et accuser un fort kilométrage qui obligera à le restaurer avant son retour en France.

Et comme les histoires de princes charmants ont une jolie chute, le “sauveur” de la Lamborghini Flying Star II et celui de la Ferrari Vignale, ne font désormais qu’un seul et même collectionneur heureux: M. Jean-Claude Paturau.

 

Vue de face, la différence de gabarit est frappante entre la Flying Star II
à gauche et le break de chasse Vignale à droite. Notez qu’il n’y a
que sous cet angle que la Ferrari révèle ses quatre phares.

 

Pour accompagner un luxueux traitement de break de chasse,
avec chromes et peinture métallisée (deux tons), l’intérieur de la Ferrari Vignale
fait preuve de raffinement: cuir, bois, moquette épaisse, et dès 4 000 tr/mn, la symphonie du V12.

 

Regardez comme le dessin du break de chasse façon Touring est épuré, tendu, bas (la Flying Star II ne mesure “que” 1,20 m de hauteur), presque simpliste par rapport à l’exubérance des couleurs de celui de Vignale (conforme à sa présentation de Turin 1968) dont les chromes courent jusque sur le toit, tandis que des grilles dissimulent ses phares, tel un masque de bal sur les beaux yeux d’une enjôleuse.

Deux écoles s’opposent à travers ces dessins, mais aussi deux testaments de style automobile sont là devant nous, dernières expressions de la volonté de survivre de deux grands talents de la carrosserie italienne.

Le fait qu’elles se rencontrent enfin, quelque trente années après leur conception, est un bonheur d’esthète, comme la convergence naturelle de deux étoiles dans la nuit noire, avec au bout l’explosion, et l’éclair du génie...

L’émotion est grande quand la porte se referme, vous laissant seul, presque allongé, dans ce mythe roulant qu’est la Flying Star II. Sortir de Paris à son volant a quelque chose de surnaturel. La belle se montre docile et souple dans les embarras de la circulation, exception faite de la dureté de la pédale d’accélérateur qui actionne, au bout d’une tringlerie compliquée, six carburateurs double corps Weber...

L’embrayage est “musclé” à souhait pour encaisser les 320 ch du V12 qui grogne devant Et quand la route se dégage enfin, que le pied s’enfonce sur l’accélérateur, il est impossible de retenir un frisson de satisfaction ce n’est pas un bruit mais plutôt une belle sonorité grave et équilibrée qui envahit l’habitacle transformé brusquement en catapulte. L’accoutumance à la voiture est alors très rapide, comme si le chant d’une sirène anesthésiait votre sens de la prudence. C’est cela la magie du V12 Lamborghini.

La boîte, très ferme dans ses verrouillages, exige de taper avec la paume de la main sur le pommeau pour faire un 4/3 rapide, juste le temps de happer quelques véhicules sans intérêt...

Contre toute attente, la direction n’a pas la lourdeur attendue d’un V12 pose sur le train avant. Physique sans être éprouvante, la Flying Star II est vive des lors qu’elle est commandée sans hésitation, et la légèreté de sa caisse alu associée au raccourcissement de l’empattement font merveille. Seuls les freins sont une limite aux ardeurs du conducteur: excellents ralentisseurs, us ont besoin d’une longue période de refroidisse ment pour retrouver leur mordant.

 

Entre les deux, son cœur balance : le dilemme de Jean-Claude Paturau est de savoir lequel de ses breaks de chasse il préfère. Bonheur d'esthète...

Break de chasse:
l’agréable l’emporte sur l’utile

Si on tait exception du prototype sans lendemain de la Chevrolet Corvette Nomad de 1954, le premier modèle du genre break de chasse date de 1964/1965, quand David Brown demande au carrossier Harold Radford de transformer en break, pour son usage personnel, l’un de ses coupés Aston Martin DB 5.
L ‘idée est simple : en allongeant le toit vers l’arrière et en ouvrant le coffre par un hayon, il est possible de taire monter des chiens de chasse... Fantaisie ou caprice de constructeur?
Le résultat est ni plus ni moins surprenant: rebaptisée “shooting brake”. la voiture de sport n’a rien perdu de ses performances, tout en offrant le confort “dû à son rang” et une habitabilité jusque-là réservée à des utilitaires. Son élégance est partagée d’emblée parles clients d’Aston Martin, ce qui incite David Brown à en commercialiser, à prix d’or, une petite série de douze exemplaires sur base DB 5, puis six sur base DB 6. Un autre carrossier britannique, FLM Panelcraft, “commettra” deux autres breaks de chasse, sur base DB 6 exclusivement. Bien plus tard dans son histoire, Aston Martin va d’ailleurs renouveler l’expérience du “shooting brake” en présentant au Salon de Genève 1992 une Virage à nouveau modifiée par Radford. Mais ne limitons pas le concept de break de chasse à une extravagance typiquement britannique. D’autres marques ont eu dans leur gamme des breaks de chasse, comme par exemple Volvo durit la P1800 ES, dérivée du coupé P1800, a atteint 13134 exemplaires entre 1971 et 1973 (son dessin ayant été figé dès 1968). Citons aussi la Lotus Elite (1974), la Jensen Healey GT(1975), les élégantes transformations Lynx sur base de Jaguar XJS, sans oublier la version japonaise du break sis chasse: la Honda Accord Aerodeck (1985/1990) descendante directe du coupé Prélude. A inclure aussi dans la “famille éclatée” des breaks de chasse, la Reliant Scimitar GTE, dessinés par Ogle, présentée au Salon de Londres 1968 et très prisée outre-Manche.
Quant aux prototypes de break de chasse jamais commercialisés, difficile d’être exhaustif car il faudrait distinguer les exercices de style “purs” par exemple à partir de Ferrari (Daytona, 365 GTC 4), de Porsche (928, 944), ou plus récemment d’Opel Calibra (Bertone Slalom), des projets plus aboutis et pratiquement commercialisables comme Peugeot 504 Riviera 1971, la Fiat 130 Maremma 1974 et la Lancia Gamma Olgiata 1982, tous dessinés par Pininfarina.

 

Une beauté voyante

Avec la Ferrari Vignale, il faut accepter de changer d’univers. Première impression: elle ne reprend rien de la ligne de la 330 GT (due a Pininfarina) et elle parait énorme par rapport a la Lamborghini. Normal, elle est plus grande de 46cm en longueur et 18 cm en hauteur. Et II y a ce contraste violent entre la finesse de son avant (il a fallu réduire la taille des filtres a huile d’origine de la 330 GT pour l’effiler ainsi), et l’imposante partie arrière aux lignes carrées. Artifice esthétique, la couleur des deux toits peut faire croire qu’elle est découvrable. La Ferrari Vignale est donc voyante, mais elle est d’une beauté exclusive, inimitable.

Deuxième impression : le parti pris du luxe. Face a un tableau de bord garni de bois, deux larges sièges de cuir s’offrent au conducteur et au passager avant, tandis qu’à l’arrière, deux ravissants baquets perpétuent la formule 2+2 empruntée a la Ferrari 330 GT. Comme sur la Touring, la commande d’ouverture du hayon se fait depuis le montant de portière avant gauche, mais le coffre est en partie occupé par un gros caisson garni de cuir qui dissimule le réservoir.

 

Conçue pour les besoins
d’un Américain, la Ferrari Vignale est faite pour les grands espaces, là ou le poids de sa caisse acier se fait un peu oublier.
L‘importance de la surface vitrée
donne une luminosité remarquable a l’habitacle, mais le volume du coffre est limité par la présence d’un énorme réservoir d’essence — capitonné —, exige par le premier propriétaire.


320 ch pour le V12 quatre arbres de la Flying Star II (en haut] et 300 ch
a “seulement” 2 ACT pour celui de la 330 GT Vignale. Il faut un pied
droit “muscle” pour actionner les six carburateurs double corps
de la Lamborghini alors qu’il n’y en a “que” trois sur la Ferrari.

   

L’ambiance a bord n’a donc rien de l’accueil sportif la Flying Star II. Dans la Ferrari Vignale, la prestance s’impose d’elle-même au conducteur, et la sonorité métallique caractéristique du V12 parait presque anachronique si on se laisse “endormir” par le confort.

Heureusement, pour se ressaisir, il n’y a rien de mieux que la fameuse boule Ferrari du levier de vitesses. Le contact froid du métal est un éveil des sens du pilotage, tandis que les oreilles se gavent du chant criard de la mécanique qui monte en régime. La Ferrari exprime son tempérament a la demande, en s’élevant de plus en plus dans les aigus passé 4 500 tr/mn. Rêve de gosse : la Ferrari obéit... Les commandes sont fermes, la boite comme l’embrayage, et l’accélération franche, mais, surprise, la brusque- ne de la poussée n’égale pas celle de la Lamborghini. Les 20 ch de moins du V12 Ferrari (“seulement” 300) n’expliquent pas tout. Il faut aussi prendre en considération le poids qui oscille autour des 1 400 kg (300 de plus que la Touring), conséquence d’une carrosserie “tout acier”.

Sur autoroute, cette surcharge pondérale se fait oublier, le break de chasse Ferrari prenant des allures de vaisseau aux longs cours... jusqu’au péage. Au-delà, sur les portions sinueuses, le poids handicape sérieusement sa tenue de route, et il met a mal les freins. Mais il y a une autre raison : les trains roulants sont ceux de la Ferrari 330 GT, avec a l’arrière cet essieu rigide qui provoque des mouvements de caisse désagréables (le problème est commun a toutes les 330 GT) et perturbe une direction déjà quelque peu floue.

Déception ? Non, résignation. Les différences de personnalité, pressenties par le dessin, sont désormais plus qu’évidentes. Uniques, ces breaks de chasse le sont jusque dans leur mode d’emploi. Dans la Lamborghini Touring, l’espace arrière accessible par la lourde vitre du hayon incline a 45° n’est qu’une invitation a rouler vite et loin, sans se priver de quelques effets personnels. Dans la Ferrari Vignale, II faut plutôt calquer l’allure sue la bienséance de son univers intérieur, sans oublier de la charger de quelques clubs de golf, si la route vient a croiser un beau parcours. •

Tous nos remerciements au propriétaire de ces breaks de chasse, pour sa sympathie, sa disponibilité et l’originalité de sa collection. ainsi qu’au Château d’Esclimont. 28700 Saint-SymphorienIc-Château, teL 02373115 15, dont Ie parc de l’hôtel-restaurant nous a servi de décor.
 

Ferrari 330 GT VIGNALE 1968
L‘ultime bravade


Vue en transparence, la Ferrari 330 GT qui va servir de base au break de chasse
Vignale, montre son beau V12, mais aussi l’essieu arrière rigide.

Salon de Turin 1968 " unique présentation publique de la dernière Ferrari signée Vignale.

Aussi surprenant que puisse être le dessin d break de chasse Vignale sur base I Ferrari 330 GT, il n’y a pourtant rien d’étonnant a voir associer le nom du constructeur de Modène a celui du carrossier de Turin.

Leur parcours commun a en effet commence très tôt, le 22 juin 1950, sous la forme d'un coupé 166 MM (châssis 0062 M) dessiné par Giovanni Michelotti, alors styliste pour le compte d’Alfredo Vignale. Jusque-la, Vignale n’avait carrossé que des Fiat, Lancia et Cisitalia. De son coté, Ferrari utilisait les talents d’Allemano, Touring, Ghia, Pinin Farina ou Stabilimenti Farina, toujours avec succès, tant pour les voitures de sport que pour celles de course. C’est d’ailleurs ce dernier point qui va sceller la collaboration Ferrari/Vignale puisqu’en 1951, Luigi Villoresi et Piero Cassani vont remporter l’épreuve des Mille Miglia avec un coupé 340 America signé Vignale. Ce n'est alors que le début du succès des Ferrari Vignale, et on peut également citer les victoires aux Mille Miglia 1952 et 1953, ainsi qu’à la Carrera Panamericana 1951 avec Piero Taruffi et Luigi Chinetti.

L’avenir semble alors sourire a la carrosserie Vignale, mais c’était sans compter sur une rencontre entre Battista “Pinin” Farina et Enzo Ferrari, en 1952, qui va déboucher sur une collaboration exclusive.

Exit Vignale de chez Ferrari, fin 1954, après qu’il ait carrossé 155 voitures, dont un bon nombre de modèles “nés” Touring, Fontana, Pinin Farina ou autres, et recarrossés par Vignale au cours de leurs carrières sportives.

Vignale “signe” alors quelques Fiat 8V, toujours dessinées par Michelotti, et il œuvre pour différents constructeurs, dont Maserati où on lui doit notamment la 3500 GT Spider, la Sebring, la Mexico et l’Indy.

Alors que la fin des années 60 voit le déclin de la carrosserie spéciale, l’espoir déçu d’une industrialisation à grande échelle de la Fiat Gamine va précipiter la chute de la carrosserie Vignale, et en 1969, elle tombe dans le giron de Rowan & Cie (appartenant à Ghia et De Tomaso), trois jours avant la mort accidentelle d’Alfredo Vignale.

Alors comment expliquer que cet exercice de style unique sur base Ferrari 330 GT (châssis n° 07963) ne soit arrivé qu’en 1968 ? Dernier sursaut d’orgueil ou ultime bravade, en acceptant la proposition de Chinetti “junior” détaillée par ailleurs, Alfredo Vignale ne se faisait guère d’illusion sur l’avenir de ce break de chasse. La Ferrari 330 GT 2+2 n’était d’ailleurs plus commercialisée depuis 1967, et les 1 000 exemplaires produits ne représentaient pas un volume suffisant pour être la source d’une clientèle en mal de modèles originaux.

RÉTROVISEUR - JANVIER 1997
COPYRIGHT ©

Ed. Some Lamborghini pictures omitted.