330 GT Registry |
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FERRARI 330 GT
Le “Grand Tourisme” à l’italienne
Avec cette 330 GT de 1966, Didier Vialard vous fait découvrir le plaisir du V 12 Ferrari. Modèle resté toujours un peu en retrait de la série des 250, ce coupé 2+2 répond pourtant parfaitement à la tradition du grand tourisme à l’italienne : du style, du cuir... et beaucoup de chevaux pour “réduire” les distances, à condition que le conducteur soit à la hauteur du pilotage musclé ! (pages 30-31).
l’essai du mois Par Didier VIALARD
De son vrai nom GT 2+2, la Ferrari 330 de 1966 offrait à l’amateur de V12 Ferrari la possibilité de partager son plaisir avec trois passagers. Sans aller jusqu’à dire qu’il s’agissait de la “familiale” de la gamme, la 330 GT était plus longue et plus spacieuse que ses sœurs biplaces, mais néanmoins très Ferrari. Didier Vialard a pu le constater en se glissant à son volant. |
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FERRARI 330 GT 1966
Douze cylindres pour quatre personnes
L'habitacle confortable est une combinaison de cuir et de bois qui peut accueillir quatre personnes sans difficultés, même si l’espace dévolu aux jambes des passagers arrière semble exigu. |
Vous avez de la chance, vous êtes en présence de la deuxième génération de 330 GT, à laquelle on a retiré les doubles phares asymétriques pour les remplacer par de simples optiques s’harmonisant mieux avec l’ensemble de la ligne bien arrondie, une des caractéristiques les plus frappantes de ce coupé. Cette sobriété montre bien que la clientèle visée est avant tout celle des grands voyageurs plus que celle des sportifs (l’un n’empêchant pas l’autre).
Vraiment sans commentaire cette prise de siège, la porte est grande et vos jambes trouvent d’instinct le contact du pédalier, votre jambe droite glissant contre le levier du frein à main dont le bouton de déverrouillage fait office de voyant. Quant aux mains il y a longtemps qu’elles sont sur le volant. Vous aimez le volant en bois ? Vous avez vu les compteurs sur le tableau, Les plus importants sont juste sous le volant: un gros tachymètre jusqu’à 300 km/h est écarté du compte-tours (zone rouge à 7.000 tr/mn) par la température et la pression d’huile. Plus loin, au milieu, la température d’eau, l’ampèremètre, la jauge à essence et la montre surplombent un semblant de console. Parmi les six interrupteurs qui se cachent à l’extrême gauche du tableau, le deuxième commande une pompe à essence électrique supplémentaire, que l’on utilise à la mise en route à froid, ainsi qu’à grande vitesse pour un meilleur remplissage des trois carbus.
RAPIDITÉ ET RIGIDITE
Un peu de gaz, un coup de clef et les douze cylindres de 330 cm³ chacun se mettent à parler ensemble. Le dialogue est aussitôt intéressant, ce n’est pas tous les jours que l’on taille une bavette avec un quatre litres Ferrari. Intelligemment nous avons fait le plein avant (90 litres), et c’est le cœur léger que nous prenons la route de l’Allemagne. C’est là que l’on regrette d’habiter si loin de la frontière, et d’être obligé de faire tant de trajet pour enfin libérer les chevaux Au début, j’étais encore capable de tenir le 110 km/h, mais cela devenait de plus en plus dur et la Ferrari avait l’air de me dire : “Si c’est pour cela que tu es venu, tu aurais pu garder ta diesel”. Alors au fil des kilomètres mon pied s’est fait lourd, très lourd sur l’accélérateur. Cette fatigue des releveurs du pied n’était pas pour déplaire au 12 cylindres, qui n’attendait que ce signal. Et il avait raison. La 330 n’est pas faite pour le repos, elle ne demande qu’à montrer ce qu’elle sait faire, et elle sait le faire. Ce n’est pas parce que la boîte est dure qu’il faut la négliger.
Les petites nationales Sont délaissées pour l’autoroute, et c’est une terre d’accueil idéale pour les 205x15 de la voiture. Les 340 ch viennent s’appuyer sur la gomme, et votre dos sur le cuir. Avec une 1re qui tape le 80 km/h, une seconde qui fait pareil avec le 120 et une 3e qui place l’aiguille sur le “6” qui suit, le chemin peut être long, mais vous n’êtes pas près de vous ennuyer...
Dès la prise en main une sensation de rigidité de toute la voiture (de la carrosserie bien entendu, mais encore plus de la mécanique) vous enveloppe. Au fil du voyage cette sensation deviendra une réalité. Sur le parcours ce n’est pas seulement un plaisir de doubler, c’est un jeu. Surtout pour sauter une bagnole gentiment réglée à 110, car vous avez le choix entre le faire violemment en 3e, ou plus coulé en 4e. La deuxième méthode à l’avantage de moins secouer madame, et d’être presque aussi rapide. Entre nous elle a aussi l’avantage de reposer votre jambe gauche d’une pédale d’embrayage vraiment trop dure. C’est vrai que l’on est tenté de la jouer à la fainéantise, pour plusieurs raisons d’ailleurs : la première parce que l’on va déjà assez vite comme ça compte tenu de la réglementation, la seconde parce que l’on est vraiment tenté de laisser jouer le fabuleux couple du V12 qui reprend avec bonheur dès 2.000 tr/mn, la troisième parce que la position de conduite est tellement plaisante que l’on n’a pas envie de quitter le volant des mains, mais aussi parce que la 330 n’est pas une auto qui se conduit d’une main. Même en roulant, la direction est très ferme et finit par engendrer une certaine, fatigue au fil du temps. Pour raccourcir ce temps, un petit bout d’autoroute devient obligatoire, et puis cela permet aussi de jouer avec la 4e qui se pose sur le 200 quai le compte-tours est à 7.000. En réalité, et pour une vitesse soutenu, il est convenable d’accrocher la 5e vers 150 km, et de se contente de travailler du pied droit sur un accélérateur pas franchement mou. Il n’y a que la pédale de frein qui ne soit pas dure dans cette voiture. Cela ne l’empêche pas de freiner, bien au contraire. Les quatre disques assistés se jouent des 1.400 kg de la 330 GT. Peut-être à la longue finiraient-ils pas chauffer mais sur les grands trajets roulants ils ont largement le temps de refroidir. Et l’autoroute défile, et il ne fait pas froid dans l’habitacle, et le bruit du moteur, s’il est sympathique pour des oreilles averties n’en est pas moins un handicap pour la conversation.
Elégance des formes et agressivité discrète, la 330 GT n’est pas la plus exubérante des Ferrari, mais c’est peut-être ce qui fait son charme. Ci-dessus, dans sa deuxième version, les doubles-phares avant ont disparu au profit d’optiques simples qui affinent la partie avant. |
VOCATION GRAND TOURISME
Si la vitesse ne lui fait pas peur, c’est parfois le conducteur qui craint pour ses muscles quand la cadence s’accélère sur route sinueuse. Voiture “musclée” la 330 n’aime pas les bagages en trop si l’on en juge par la modeste taille du coffre qui renferme la roue de secours. |
Il est temps de tâter du réseau secondaire. Dès les premiers virages enchaînés, vous voilà confronté entre deux styles de conduite. Soit vous attaquez la balade, soit vous attaquez comme un malade. Si vous optez pour la deuxième solution déposez d’abord votre compagne à la maison sinon elle ne cautionnera jamais l’achat de la 330, à moins qu’elle ne soit une fondue de rallyes. La voiture est lourde et dure, donc déposez aussi votre thermolactyl, vous allez transpirer.
La 330 n’a rien du caractère virevoltant des minettes GTI d’aujourd’hui. C’est une personne qui aime que les choses soient claires et précises. Avec deux passagers et le plein on dépasse les 1.600 kg, alors il vaut mieux être copain avec les chevaux sous le capot pour qu’ils arrivent quand vous le leur demandez. En clair vous allez jouer de la boîte et confronter la puissance de votre musculation à la résistance des verrouillages de vitesses. C’est là où la dureté de la direction devient un plus, en effet grâce à elle votre bras est toujours chaud et peut avec brio passer du volant au levier, et vice versa. Sérieusement, le plus gênant sur ce type de route reste la largeur de la voiture qui oblige à ralentir copieusement lorsque l’on en croise une autre. C’est plus psychologique que réel autant pour celui qui croise que pour celui qui est croisé. C’est que la Ferrari ne passe pas inaperçue avec sa ligne qui n’a pas vraiment vieilli, surtout à la sortie d’un virage avec l’amère un peu en biais. Car elle survire, mais pas facilement, il faut lui mettre des chevaux dans les arbres de roues si l’on veut sentir l’arrière rattraper l’avant. C’est seulement dans les extrêmes que ce genre de situation se produit. Autrement, la 330 vire vite et à plat permettant au chauffeur “non pilote” de mener bon train.
Décidément, sa vocation est le grand tourisme, pas la compétition. Elle est faite pour cela avec ses quatre places, et son véritable coffre à bagages. Son intérieur cuir et son tableau en bois en font presque une voiture familiale. Ajoutez-y le confort d’une berline de bonne facture bien suspendue avec des sièges un peu fermes (cuir oblige), et vous voilà prête madame à en programmer l’achat. Certes les sièges arrière sont un peu étriqués (ce n’est qu’une 2+2), mais les enfants seront trop contents de voyager en Ferrari pour vous le reprocher, et puis vous, vous êtes tellement bien devant. Vous pourrez même sommeiller les jambes bien allongées, les pieds au chaud contre le compartiment moteur tandis que monsieur et les enfants goûtent le miaulement du V12 que l’on pousse dans ses tours ! Et cela permet d’ arriver plus tôt sur les autoroutes allemandes où la 330 GT pourra enfin exprimer toute sa puissance...
Caractéristiques techniques de la 330 GT 1966
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L’UNE DES MILLE
La Ferrari 330 GT a été présentée pour la première fois au Salon de Bruxelles 1964. Destinée à remplacer la 250 GT 2+2 à la carrière exceptionnelle, elle propose à la fois une nouvelle ligne et un nouveau moteur. Le nombre 330 correspond à la cylindrée unitaire d’un cylindre. Multipliez-la par 12 et vous obtenez la cylindrée totale du moteur. C'est une tradition de la marque à connaître, et qui permet instantanément de savoir le volume d’un moteur.
Sous une "robe" signée Pininfarina, les premières 330 reçoivent une calandre quatre phares et une boîte 4 plus overdrive. Au milieu de l’année 1965 cette boîte est remplacée par une boîte cinq synchronisée et sur option, on peur réclamer une direction assistée et l'air conditionne. Les roues fil toujours disponibles sont remplacées par des nouvelles jantes en alliage, et surtout la face avant est remaniée : les quatre phares disparaissent au profit de deux projecteurs bien plus esthétiques. A la fin de l’année 1967, après avoir atteint le cap des 1.000 unités, la 330 GT tire sa révérence pour céder la place à la 365 GT 2+2.
Le modèle de notre essai, après une léthargie de plusieurs mois, a été remis en route pour être proposé à la vente de l’Aquaboulevard, le 28 février dernier. Dans sa livrée d’origine, gris-bleu métallisé, elle n’a pas trouvé preneur à 180.000 F, ce qui était pourtant un prix tout à fait correct pour une 330 GT dans cet état. Avec 100.000 km au compteur, elle avait d’ailleurs été révisée avant l’essai, et hormis le changement d’un maître-cylindre, elle avait passé sans problème le contrôle technique.
Cette vue “fantôme” représente la 330 GT 2+2 dans sa première version, avec boîte 4 vitesses et overdrive, les jantes à rayons en série et les double-optiques avant. Moderne pour son époque, le V12 ne faisait pourtant pas oublier les lames de ressorts arrière, indignes d’une telle voiture.
N° 599 -18 MARS 1993 LA VIE DE L’AUTO